Christophe André - la psychologie positive: un outil de prévention des rechutes ?

 

Dr Christophe ANDRÉ - Centre hospitalier Sainte-Anne, Paris

 

« En résumé, j’aimerais avoir un message un peu positif à vous transmettre. Je n’en ai pas. Est-ce que deux messages négatifs, ça vous irait ? »

 

Cet aphorisme de Woody Allen nous fait sourire, mais ne correspond-il pas à notre manière de soigner nos patients ? L’éradication complète et plus que complète de toute forme de symptômes résiduels est certes un objectif respectable et souhaitable. Mais est-il suffisant, chez certains patients, pour restaurer un bien-être réparateur et protecteur ?

 

Il semble que cela ne soit pas si automatique, notamment chez les patients vulnérables, et que l’accroissement de leur émotionnalité positive soit un objectif utile sur le long terme1.

 

Cette idée de ne pas seulement s’attacher à limiter les émotions et comportements « négatifs » mais aussi d’aider les patients à éprouver davantage de bien-être, c’est l’idéal du courant de la « psychologie positive », aujourd’hui très actif dans le monde de la recherche en psychologie. On y a largement dépassé le stade de « La maîtrise de soi-même par l’autosuggestion consciente » du pharmacien lorrain Émile Coué, à la fin du XIXe siècle, ou le célèbre « Pouvoir de la Pensée Positive » de l’Américain Norman Vincent Peale,dans les années 50.

 

Comment définir la psychologie positive ? C’est une réflexion scientifique sur le fonctionnement humain optimal2. C’est aussi une autre façon de penser à l’amélioration du bienêtre, en se concentrant sur l’étude de ce qui construit notre santé, et non plus seulement sur ce qui l’entrave. C’est, appliqué à l’équilibre de notre esprit, la transposition du concept de « santé active », qui s’impose désormais en médecine : on peut contribuer à rester en bonne santé en adoptant certains comportements (faire de l’exercice physique, manger fruits et légumes, éviter le tabac, consommer de l’alcool avec modération, etc.). De la même manière, on peut augmenter ses chances de se sentir bien mentalement en pratiquant la méditation, en développant une communication affirmée et non violente avec les autres, en cultivant ses émotions positives, en savourant les bons moments, etc.

 

Les données scientifiques sont aujourd’hui suffisamment nombreuses. Même si elles ont au départ été conduites par des psychologues, et donc auprès de populations sans doute moins sévères que celles que nous avons à suivre en psychiatrie3, 4, nous avons intérêt à nous intéresser à ce corpus de connaissances : s’il se confirme que les outils de la psychologie positive sont utiles dans le cadre de la prévention des rechutes, notamment en matière de troubles anxieux et dépressifs, cela comblera un vide important dans nos pratiques de soins. Une forme adaptée de thérapie comportementale et cognitive, la Well-being therapy avait ouvert la voie il y a quelques années5. La méditation de pleine conscience a montré dans plusieurs études rigoureuses son efficacité concernant les récurrences dépressives6. Une recherche prospective sur 10 ans a montré que le déficit d’émotionnalité positive représentait un facteur spécifique de risque dépressif, au moins chez les plus de 50 ans7. Enfin, des recherches fondamentales, conduites notamment par l’équipe du prix Nobel Éric Kandel, ont identifié quelques-unes des voies neuronales de ces ressources impliquées dans ce qu’on pourrait appeler l’espérance apprise, en opposition à l’impuissance apprise, identifiée et étudiée dans la dépression8.

 

C’est le philosophe Alain qui nous rappelait que : « Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté ».

Nous n’avons pas besoin d’apprendre à souffrir ; mais certains d’entre nous, et c’est le cas de beaucoup de nos patients, peuvent apprendre à se réjouir et à savourer un peu plus leur quotidien : là est l’ambition de la psychologie positive, et derrière elle, le souhait de prévenir plutôt que d’inlassablement avoir à guérir, rechute après rechute...

 

 

Références

1 • Weiting NG. Clarifying the relation between neuroticism and positive emotions.

Pers Individ Dif. 2009;47:69-72.

2 • Snyder CR, Lopez SJ (eds). Handbook of positive psychology. New York : Oxford

University Press, 2002.

3 • Seligman ME, Steen TA, Park N, Peterson C. Positive psychology progress:

empirical validation of interventions. Am Psychol. 2005;60:410-421.

4 • Seligman ME, Rashid T, Parks AC. Positive psychotherapy. Am Psychol.

2006;61:774-788.

5 • Fava GA, Ruini C. Development and characteristics of a well-being enhancing

psychotherapeutic strategy: well-being therapy. J Behav Ther Exp Psychiatry.

2003;34:45-63.

6 • Segal ZV, et al. Antidepressant monotherapy versus sequential monotherapy and

Mindfulness-Based-Cognitive-Therapy or placebo for relapse prophylaxis in

recurrent depression. Arch Gen Psychiatry. 2011 (accepté pour publication).

7 • Wood AM, Joseph S. The absence of positive psychological (eudemonic) wellbeing

as a risk factor for depression: a ten year cohort study. J Affect Disord.

2010;122:213-217.

8 • Pollak DD, Monje FJ, Zuckerman L, Denny CA, Drew MR, Kandel ER. An animal

model of a behavioral intervention for dépression. Neuron. 2008;60:149-161.

Bibliographie complémentaire sur la psychologie positive :

André C. Les états d'âme. Un apprentissage de la sérénité. Paris : Odile Jacob,

2009.

Cottraux J. La force avec soi. Paris : Odile Jacob, 2007.

 

Source : http://christopheandre.com/psychologie_positive_CulturePsy_2010.pdf

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