"Dormir est une drogue miracle"
Vous encouragez les femmes à dormir. Selon vous, le sommeil est un combat féministe. Vous donnez même une nouvelle définition de
l’expression « coucher pour réussir » !
Oui, car 59 % des femmes qui ont des enfants et un travail se plaignent du manque de sommeil. Ce sacrifice sur le sommeil auquel nous consentons
pour avancer dans notre carrière a un impact profond et négatif sur notre créativité, notre productivité et nos décisions. Les études scientifiques nous montrent que le manque de sommeil est
directement lié à toutes les maladies, parce qu’il a un impact sur notre stress et aussi sur notre joie de vivre. Lorsque je me réveille rechargée, j’aime la journée qui s’annonce. Cela ne veut pas
dire que je ne vais pas rencontrer des difficultés que je préférerais éviter. Mais lorsque mon énergie est rechargée, je peux y faire face. Lorsque je suis épuisée, je ne peux pas. Dormir est
l’habitude la plus sous-estimée, or, c’est une drogue miracle.
Vous avez imaginé tout un rituel pour vous obliger à vous coucher, comme mettre votre pyjama spécial…
Oui, et je le suis très sérieusement. La plupart d’entre nous ignorent la distinction entre ce que nous portons le jour et ce que nous portons la
nuit. Enfiler mon pyjama, c’est un signal pour mon corps qu’il est temps de se préparer à dormir. Et je cesse d’envoyer des e-mails une heure avant de me coucher. Mon réveil sonne pour me signaler
qu’il est l’heure de me coucher. C’est une chose que de le comprendre intellectuellement, une autre de l’incorporer dans notre vie quotidienne. Pour y arriver, j’ai décidé de modifier mes habitudes.
Par exemple, je dormais quatre à cinq heures par nuit. Je suis passée à sept-huit. Ce fut une véritable transformation. Mais il n’y a pas qu’une seule façon de faire. Nous devons explorer ce qui
fonctionne pour chacun de nous.
La méditation est également devenue l’une de vos « habitudes fondatrices ».
Dans mon livre, je cite beaucoup de recherches scientifiques de pointe, car je voulais convaincre les sceptiques pour montrer que la méditation
n’est pas une pratique new age des années 1960, mais au contraire une façon de vivre une existence créative et productive, saine et heureuse. Nous avons été élevées dans l’idée qu’il était nécessaire
de sacrifier une chose pour en obtenir une autre : si vous voulez réussir, il faut vous sacrifier, travailler 24 heures sur 24 ! Je regarde certaines campagnes de publicité qui s’extasient : « Elle a
travaillé toute la nuit. » Oui, occasionnellement, mais si cela devient la norme, nous le payons cher en productivité et en créativité.
Les femmes encore plus que les hommes souffrent du manque de temps dans nos sociétés occidentales.
Mais notre rapport au temps change avec le Third Metric. Lorsque nous sommes stressés, nous subissons ce que les chercheurs appellent
une « famine temporelle ». Nous vivons en permanence avec le sentiment de ne pas avoir de temps. Or, avec cette famine, nous nous privons d’une autre expérience clé du 3e critère :
l’émerveillement.
C’est-à-dire ?
C’est la capacité à prendre conscience des petits miracles qui remplissent notre vie. Une multitude de choses dans notre quotidien peuvent susciter
l’état d’émerveillement que nous connaissons presque tout le temps lorsque nous sommes enfants. Einstein estimait que ce sens de l’émerveillement était une précondition pour vivre. Celui qui ne
possède pas ce sens de l’émerveillement, « qui reste insensible, qui ne peut pas contempler ou connaître le frisson profond de l’âme qui est enchantée, pourrait aussi bien être mort, car il a déjà
fermé les yeux à la vie ».